- Le monde du vin
Les Primeurs 2022, notre avis
- mer. 10 mai 2023 à 10:30
Les Vignes ne grimpent pas jusqu’au ciel !
Évitons d’ores et déjà une confusion que le titre pourrait induire : le millésime 2022 est un très bon millésime, parfois excellent, avec peu de ratés et un équilibre alcool/acidité/tannins exceptionnel. Beaucoup de propriétés, grandes et petites, ont fait le meilleur vin de leur histoire, et ça en dit long sur la qualité d’ensemble.
Après une série de millésimes aux tannins soyeux, nous retrouvons avec 2022 un vrai Bordeaux à l’ancienne, un vin qu’il faudra attendre, un vin de grande classe et de grande garde. La vinification moderne ne peut éluder le caractère propre de l’année et c’est une bonne chose.
Alors, pourquoi cette nuance dans le titre ? Uniquement pour les rumeurs, les bruissements de forte hausse des prix, notamment chez les grands, mais pas seulement : au moment où Bordeaux retrouve la faveur des amateurs, avec des vins digestes, équilibrés, aux prix (relativement) doux, au moment où le Bourgogne bashing commence, où toutes les autres régions viticoles tirent les prix vers des niveaux difficiles à supporter pour le consommateur, pourquoi mettre en danger le retour en grâce de la première région viticole de France, en grande difficulté pour 90% de sa production ?
Bref, ici n’est pas le lieu de ce débat, recentrons-nous donc sur la qualité des vins, et seulement là-dessus. Parmi les vins dégustés, un groupe se détache nettement, certains attendus, d’autres moins : les nouveaux ou récemment promus en Saint-Émilion, Pavie et Figeac, ont tout simplement fait des vins d’anthologie, écrasant tous leurs voisins par leur réussite ! En Graves, Haut-Brion et Mission sont des grands vins, que nous détaillerons plus loin. Mais LE grand vin du millésime, sera le château Montrose, tout simplement extraordinaire.
Si nous devons donner des indications régionales, en bref, très belle réussite d’ensemble de Pessac-Léognan, en rouge, en blanc les vins sont riches et denses. Beau résultat d’ensemble aussi pour Margaux, Saint Julien et Saint-Estèphe, plus hétérogène pour Pauillac, ainsi que pour Pomerol et Saint-Émilion. Une mention spéciale pour le Sauternais qui a produit de très grands vins.
Voilà pour les très grandes lignes, même s’il faut souligner qu’il y a très peu de vrais ratés cette année, dont la qualité immense permet de faire la fine bouche… Les rares déceptions sont liées aux attentes que provoquent toujours une telle vendange, pour des vins qui savent être grands même dans des années moyennes.
En conclusion, un millésime à mettre dans sa cave absolument, en évitant les quelques erreurs et les prix échevelés !
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Récapitulatif par région
Pessac-Léognan
En premier lieu, la région où le blanc côtoie le rouge. Les blancs qui tirent le mieux leur épingle du jeu sont (en bref) Carbonnieux, Chevalier, Larrivet-Haut-Brion, Olivier, Pape-Clément, un seul très grand vin cette année, La Mission-Haut-Brion blanc, superbe exemple de Sémillon de grande classe, qui démontre toute la pertinence de ce cépage !
Pour les rouges : magnifiques, somptueux, la plupart des Pessac-Léognans sont remarquables, très réussis, on y retrouvera presque tout le monde, et notamment les propriétés raisonnables que sont La Louvière, Latour-Martillac, Olivier, Fieuzal, et Picque-Caillou mais aussi des vins plus chers comme Smith Haut Lafitte, Chevalier, et les grands que sont La Mission Haut-Brion et Haut-Brion. A ce sujet, nous sommes plongés depuis une semaine dans les affres de l’incertitude : La Mission Haut-Brion se présente (légèrement) mieux que Haut-Brion mais nous ne sommes pas certains que Haut-Brion ne nous refasse pas le coup du 1961, trop jeune soixante ans après… Donc un vin quasi-impossible à déguster en primeurs. Voilà un joli pari sur l’avenir, bien que nous ne soyons pas certains d’être encore là pour le vérifier !
Margaux
Dans l’ensemble, une appellation qui fait plus que tenir ses promesses cette année, avec un joli tir groupé de belles réussites, dans le cher comme dans le raisonnable. Du petit d’Angludet à Château Margaux, en passant par Brane-Cantenac, Giscours, Durfort-Vivens, Labégorce, Marquis de Terme, du Tertre (en gros progrès), Rauzan-Gassies, Siran… Avec une mention spéciale pour Kirwan, d’Issan, Malescot-St-Exupéry qui ont fait des vins superbes, charnus, généreux, et Lascombes qui a évité ses défauts d’autrefois en faisant un vin très plaisant, dans une année qui ne s’y prêtait guère.
Saint-Julien
Sûrement moins homogène que ces dernières années, Saint-Julien présente encore un beau millésime. Très bons Gruaud Larose, Léoville Las Cases, Léoville Barton, Lagrange, bons Léoville Poyferré, Gloria, ils laissent toutefois Branaire-Ducru et Langoa Barton remporter la palme de la qualité, et surtout du rapport qualité-prix !
Pauillac
Ah, Pauillac, que de crimes sont commis en ton nom ! La disparition progressive des bons petits Pauillac, tous reconvertis en grands crus classés ! Une dégustation toutefois très intéressante avec de jolis vins (Batailley, Clerc Milon, Duhart Milon, Grand-Puy Ducasse, Lynch-Bages, Lynch-Moussas, Pédesclaux), quelques très bons (Mouton Rothschild, Forts de Latour, Pichon Comtesse, Grand-Puy-Lacoste, Pontet-Canet) et un vin d’exception : Latour.
Saint-Estèphe
Certainement la région la plus homogène, elle nous livre une très belle partition dont le seul bémol sera le prix de sortie. Extraordinaire Montrose, très bon Cos d’Estournel, grand Calon Ségur, Lafon Rochet magnifique malgré le changement de propriétaire, Cos Labory très joli de même que Lilian Ladouys, Phélan Ségur et Meyney.
Médoc, Haut-Médoc, Listrac & Moulis
Dans la lignée des vins à très bon rapport qualité-prix, nous avons droit à une belle série en 2022 avec de superbes vins (Fourcas-Hosten, Poujeaux, Potensac, Branas Grand Poujeaux), et d’autres très bons (Chasse-Spleen, La Lagune, Cantemerle, Clarke, Fonréaud, Fourcas-Dupré) toujours à vérifier en fonction de leur prix. Beaucoup sont présents dans cette sélection pour la première fois, la nature les ayant propulsés à un niveau jamais atteint.
Saint-Emilion
Cette belle région connaît depuis vingt ans bien des soubresauts, avec ce classement mouvant plus que sablonneux. Que dire alors, cette année, de la remarquable performance des récemment ou nouveaux promus ? Car c’est bien à Figeac et à Pavie que l’on a eu les deux vins peut-être les plus aboutis de la rive, Pavie ayant corrigé depuis trois ans ses défauts de maîtrise de la puissance, et Figeac ayant sans doute acquis plus de profondeur encore, si c’était possible.
A côté, Cheval Blanc tient son rang, Canon et Clos Fourtet ont fait des vins magnifiques et un groupe important de vins (premiers et crus classés) ont fait de bons vins : La Dominique, Grand Mayne, Monbousquet, Bellefont-Belcier, Jean Faure, Villemaurine, Ripeau, St-Georges-Côte-Pavie…).
Pomerol
Dans cette appellation autrefois classée, l’ensemble des vins est plutôt plaisant et réussi. Certains « petits » prix, tout est relatif, sont excellents : La Rose Figeac, Clos René, Feytit-Clinet, Beauregard, La Cabanne, voilà une première recommandation simple. On pourra également envisager d’acheter Clinet, Gazin, Certan de May, mais si on n’en retenait que deux nous choisirions Rouget et Nénin.
Sauternes
Il nous semble intéressant de signaler qu’il s’agit probablement d’une très grande année de Sauternes, avec des vins denses, riches, profonds et équilibrés. De très bons vins presque partout, avec un Fargues monumental, mais aussi Rayne-Vigneau, Rieussec, Suduiraut, Doisy-Daëne, Sigalas-Rabaud, La Tour Blanche, Guiraud, Doisy-Védrines. Une année qui sera plaisante dans la jeunesse, mais qui raviera aussi vos descendants !